Les îles San Blas
- Jen & Antoine
- Apr 2, 2019
- 4 min read
Updated: Apr 2, 2019
Les San Blas sont l’une des destinations fort attendues de notre voyage. Nous prévoyons de rejoindre le Panama en bateau en passant par les San Blas, archipel situé dans le Nord-ouest du Panama face à la mer des Caraïbes. 4 jours de “Island Hopping” où nous nous arrêterons d’îles en îles.

Mais avant de partir vers nos îles paradisiaques nous devons nous rendre à Carpugana et Sapzurro, deux villages au nord de la Colombie, aux confins de l’inaccessible Darien. Ce tampon de forêt vierge et marais condamne toute création de route entre la Colombie et le Panama. Dans ces villages les plus au nord de l’Amerique du Sud opère un réseau de trafic de migrants. Le golfe d'Uraba est l'un des principaux points de transit des migrants africains, asiatiques et haïtiens qui tentent de rejoindre les Etats-Unis.
C’est à l’embarquement du bateau depuis Necocli vers Capurgana que nous découvrons la situation. Une cinquantaine de migrants cubains protestent pour être eux aussi autorisés à rejoindre la frontière panaméenne, l’armée contrôlant méticuleusement l’accès au bateau.
Arrivés à Capurgana nous verrons l’autre visage de ce trafic et son impact sur la population locale. Un feu a été allumé sur le dock où nous devons débarquer. Les villageois ne veulent pas nous laisser entrer. Étant à l’avant du bateau nous arrivons à sortir rapidement. Nous apprendrons alors qu’ils protestent contre ce trafic illégal et demandent aux autorités de contrôler le territoire. En attendant plus personne ne peut entrer ou sortir du village et tous les commerces sont fermés. Nous sommes donc bloqués à Capurgana, cachés à l’arrière d’un restaurant qui n’a pas le droit de nous accueillir et dans l’impossibilité de rejoindre Sapzurro comme prévu dans l’après midi.
Bien que sur le continent, Carpugana ressemble à une île: pas de voitures, pas de banques, pas d’eau courante et l’électricité est coupée la nuit. Apparemment c’est un village charmant et festif, mais nous ne verrons que des manisfestations, des feux et des rues désertées.
Comme aucun bateau n’est autorisé à quitter le port, les organisateurs du tour décident de nous faire partir discrètement le lendemain à la première heure. Alors qu’il fait encore nuit, nous rejoignons leur bureau à la frontale, chargeons nos sacs dans un petit bateau de pêcheurs et nous voici partis au lever du soleil. Le trajet n’est pas une partie de plaisir. La mer est agitée et chaque franchissement de vague fait retomber la barque comme du béton. Il n’y a pas de toile de protection, nous sommes rapidement trempés mais ... Nous sommes libres!
La suite du périple se fera sans encombres. Nous passons l’immigration panaméenne et pouvons enfin rejoindre les San Blas.
Le tour est très bien organisé. Nous ne faisons pas plus de 3 heures de bateau, et nous arrêtons sur deux îles chaque jour. Une où nous déjeunons et passons l’après-midi, l’autre où nous dormons. Avec leur sable blanc, leur eau turquoise et leurs palmiers ondulants, ces îles des Caraïbes sont l’idée que l’on se représente du paradis.

On pourrait penser que l’on s’ennuie vite durant 4 jours sur des îles, mais on a pas vu le temps passer, entre beach-volley ball, jeux de carte, lecture, snorkeling et sieste dans les hamacs.

Un peu d’histoire:
Kuna (ou Guna) Yala est le nom officiel des San Blas, les îles étant habitées et administrées par les Kunas, population autochtone.

Les premiers vestiges des Indiens kunas (poteries, statuettes, bijoux) ont été retrouvés dans le Darién et datent de 500 avant JC. En 1492, les Espagnols découvrent le Panama. Le premier gouverneur Vasco Nuñez de Balboa fraternise avec les kunas et se marie avec la fille de l’un deux. Avec leur aide, il sera le premier européen à voir le Pacifique. Mais, le soupçonnant de trahison, la Cour d’Espagne délègue sur place Pedro Arias Dãvila, un dictateur sanguinaire qui le fait juger sommairement et l’exécute avant de massacrer la quasi-totalité des indigènes pour assouvir sa soif d’or.
Après des siècles de troubles, les Espagnols signent un traité de paix, abandonnant la cordillère aux kunas en 1787. A partir du 19ème siècle, les kunas installent leurs villages sur les îles les plus proches de la côte pour échapper aux insectes, serpents et maladies qui sévissent sur le continent. En 1903, Panama prend son indépendance vis-à-vis de la Colombie tandis que les indiens kunas lui restent fidèles, et c'est le début d'un interminable conflit où les kunas connurent une longue série de vexations. Le président Porras, installe en 1915 un gouverneur sur l’île de Porvenir et des policiers qui organisent une véritable répression des coutumes traditionnelles, violent les femmes, assassinent les hommes et oblige la scolarité des enfants en langue espagnole. Mais c'est en 1923 lorsque des fonctionnaires et policiers, envoyés dans les îles pour administrer le territoire, se permettent les pires exactions (viols, assassinats, répression) que naît véritablement une résistance organisée des indiens kunas.
Février 1925, les kunas proclament la république de Tule: ils tuent les policiers et leurs enfants bâtards. Panama City s’apprête à envoyer ses troupes mais les kunas demandent une médiation des Américains présents via le navire US Cleveland qui sillonnait les eaux voisines. Le navire intercepte les troupes panaméennes et oblige les deux parties à la négociation. Finalement, les kunas renoncent à leur déclaration d'indépendance et Panama reconnaît une large autonomie aux Amérindiens. Ce n'est qu'en 1930 que le parlement entérine officiellement l'accord et en 1953 que Panama donne l’autonomie sous forme de “comarca” (territoire) aux indiens kunas, de manière constitutionnelle. Les indiens Kunas sont de fait la première ethnie indigène du Panama à obtenir leur autonomie.
Depuis 1972, Les indiens kunas sont représentés par trois députés à l’assemblée nationale panaméenne.
Aujourd'hui, environ 50 000 kunas vivent dans les îles, une part importante de la population a émigré dans la capitale Panama City et seulement 2000 sont restés au coeur de la jungle dans la province du Darién.
Fun fact:
Il est interdit de cueillir ou ramasser les cocos, bien que nombreuses sur les îles. En effet, celles-ci sont considérées comme monnaie d’échange et sont au cœur du commerce avec les colombiens.
Quel futur pour les îles?
Les îles sont malheureusement victimes de la montée des eaux. A chaque nouvelle lune, la mer réduit encore et encore le territoire de Kuna Yala. On ne dénombre déjà plus que 350 îles sur les 365 initialement répertoriées.

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